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Création de décors peints: un témoignage, des réflexions


Vous avez pu admirer les belles toiles de Pascal Le Cossec (article en trois parties) dont je parle dans mon dernier éditorial. J’aimerais à présent vous faire découvrir un peu de son histoire, en rapport avec son travail de création de décors peints.

Lorraine et moi avons échangé quelques courriels avec lui au cours des derniers mois, et l’idée m’est venue d’extraire de cette correspondance les éléments qui me semblaient les plus pertinents pour ensuite les entrecouper de mes commentaires personnels. Je vous invite donc à lire Création de décors peints : un témoignage, des réflexions, une sorte de collage que j’ai eu beaucoup de plaisir à écrire.

Pour exploiter encore un peu le thème des décors, je vous propose aussi de visiter la section « Décors » du site www.theatrons.com. Nul doute que vous y trouverez là des renseignements à la fois intéressants et utiles.

Bonne lecture!

Chantal
Merci à Pascal Le Cossec pour la photo!

Création de décors peints: un témoignage, des réflexions

Chantal Bilodeau-Legendre

Après avoir présenté plusieurs toiles de Pascal Le Cossec (voyez ici, et ), je vous propose des extraits de quelques courriels que Lorraine et moi avons échangés avec lui au cours des derniers mois. Le texte en italique reprend les propos de Pascal; le reste correspond à mes réflexions personnelles. (Merci à Pascal pour la photo!)

Merci à Pascal Le Cossec pour la photo!Pascal fréquente une église évangélique en Île-de-France, près de Versailles. Il dessine depuis l’enfance… « J’ai en fait toujours su dessiner. Tout petit déjà, à l’école, je m’amusais à reproduire les cartes de géographie à main levée, alors que cela cassait les pieds à tout le monde! Je pense que le Seigneur donne des dons à certaines personnes, et pour cette facilité de peindre je lui suis infiniment reconnaissant. »

Une fois passée la nécessité des cartes géographiques, Pascal est allé jouer dans la « cour des grands »… « C’est en grandissant que je me suis perfectionné dans la peinture à l’huile sur toile. [Après m’être engagé] pour la première fois, une année dans une fête de Noël de l’église, j’ai continué et nous en sommes arrivés à ce niveau. »  Pascal dit « nous en sommes arrivés à ce niveau ». « Nous », c’est qui?

« Nous sommes une bonne petite équipe, qui nous occupons de toutes les fêtes et autres manifestations. […] Je me suis constitué une équipe de peintres qui peuvent faire les grandes surfaces pendant que je m’occupe des détails et des finitions. […] Je m’occupe des décors, de la réalisation des accessoires et éventuellement du maquillage, tout ce qui touche à la déco en général. » Les textes des fêtes et programmes relèvent donc d’une autre personne (ou d’une autre équipe). Pascal travaille assurément en étroite collaboration avec les concepteurs des textes afin de produire le décor adéquat.

Pascal peint généralement sur du tissu. Les toiles mesurent 2,50 m x 4 m à 3 m x 6 m pour les plus grandes. Le défi que pose l’estrade de son église est l’absence de coulisses. Comment y remédier? « L’estrade est quasiment au ras du sol et il n’y a pas d’accès derrière l’estrade. Nous fabriquons donc à gauche de l’estrade un décor faisant office de coulisse reprenant le thème général de la fête. »

Un même programme peut requérir plusieurs décors. En effet… « Ces décors peuvent aller jusqu’à cinq en plus des coulisses, donc une manutention importante qu’il convient d’inclure dans le déroulement de la fête. […] Les décors de chaque scène sont accrochés en début de scène les uns par-dessus les autres sur le mur du fond, derrière l’estrade. Une équipe de deux personnes les décrochent au fur et à mesure de l’avancée de la fête. »

On peut imaginer que les œuvres de Pascal sont nombreuses. Qu’en fait-il une fois les fêtes terminées? « Mes toiles sont entreposées dans un local ignifugé (ordonné par la commission de sécurité de notre commune). Nous y regroupons tous nos éléments de décors. […] Les toiles sont enroulées autour d’un tube en PVC ou en carton – c’est le seul moyen que j’ai trouvé pour les garder en bon état. Les plier est catastrophique pour la peinture! »

Y a-t-il moyen de les prêter ou de les louer? Oui, bien sûr, mais soyons réalistes… Il arrive que des églises ne rendent pas les équipements empruntés. D’autres n’ont pas les moyens de payer pour la location ou d’assurer le transport sécuritaire de ces articles surdimensionnés. Et justement : « Ces toiles sont faites aux dimensions de notre estrade avec un texte spécialement écrit pour notre église, vraiment personnalisé. » On imagine donc des œuvres d’art faites expressément pour une fête bien précise, comme on écrit des histoires expressément pour une occasion particulière, textes qui ne resservent jamais, mais qui laissent d’heureux souvenirs dans l’esprit de ceux qui en ont bénéficié.

Pourquoi faire de si grandes toiles, pourquoi dépenser tant d’énergie, de matériel (certains ajouteront : d’argent), pour produire quelque chose qui, bien souvent, ne servira qu’une seule fois?

Pourquoi, en effet? Bonne question. Qu’en pense Pascal? Les mots qui suivent révèlent pourquoi il met tant de cœur à son art : « Je suis toujours à la recherche de nouvelles idées pour m’améliorer, pour que cette fête soit digne du Dieu que nous adorons, car c’est avant tout pour cela que je le fais. Ensuite, j’aime que cela soit beau envers les nouvelles personnes qui se présentent à cette occasion, ce n’est pas parce que c’est gratuit que cela doit être moche. Et puis, le message qui est transmis est tellement beau que ce que nous faisons pour le Seigneur doit être beau. »

* * * * *

Permettez que je vous laisse sur ces réflexions que m’inspire le témoignage de Pascal :

● Dieu donne des dons à chacun. Les habiletés artistiques viennent de lui. (On trouve un bel exemple dans Exode 31.1-6.)
● Dieu aime la beauté – il en est lui-même l’Auteur. La création tout entière en témoigne.
● Si nous cherchons, en toute humilité et pour honorer notre Seigneur, à nous améliorer dans notre art – que ce soit dans l’écriture, le jeu dramatique, la peinture, la musique, le chant, la prédication, l’enseignement… – c’est toute l’église qui peut en profiter.
● Notre Dieu n’exige pas la perfection au sens où nous la percevons, avec nos exigences et nos critères tout humains et imparfaits, car il sait de quoi nous sommes formés (Psaumes 103.14). Cependant, il est digne que nous lui offrions le meilleur de nous-mêmes et de nos talents (Romains 12.1-2).
● Nous ne devons pas évaluer la valeur de notre travail d’après le nombre de personnes qui le voient, le nombre de fois où il « sert », etc… Seul le regard de Dieu a de l’importance.

Toiles de fond et décors peints, partie 3

 

Chantal Bilodeau-Legendre

Voici un dernier échantillon du travail de Pascal LeCossec. (Voyez ici la partie 1.) Cliquez sur les photos pour les agrandir.

Trois mages la nuit


Une grande étoffée bleu de roi sur laquelle on a fixé des étoiles dorées suggère le firmament que les mages ont scruté. Remarquez les costumes chatoyants, chacun ayant son style particulier. Les teintes contrastantes sont du plus bel effet

Allez, hop! En caravane!

Oh, comme j’aime ces chameaux! Des manipulateurs vêtus de noir les font avancer cahin-caha, « tirés » par les mages. Ils glissent une main dans la fente prévue pour les tenir. (On aurait pu remplacer la fente par une corde ou une petite courroie fixée derrière : les manipulateurs auraient tenu les chameaux à la manière d’un bouclier.) Il faut utiliser un matériau à la fois robuste et léger. Observez les pattes des animaux : des étoffes uniques nouées au bas suggèrent chaque paire. Simple, amusant et ingénieux!

Tout le monde à bord!

Voici un train en plusieurs sections, rivées au sol par des supports de bois. Les petits passagers y prendront place, deux à deux, en veillant toutefois à ne rien faire basculer! Les fenêtres doivent être assez grandes et à bonne hauteur pour que les spectateurs voient bien les comédiens assis derrière.

Panorama

Une très grande toile de fond haute en couleurs, cette fois-ci : il faudra que les comédiens portent des vêtements plutôt neutres afin de créer un contraste. Les nombreux détails nous permettent d’imaginer divers lieux scéniques : montagne, pâturage, sentier, lac, champ fleuri… On peut y voir évoluer des bergers, des pêcheurs, des enfants, etc.

Dans les coulisses du château

Une toile monochrome chargée de lumière nous plonge dans le passé! On peut facilement imaginer des chevaliers en armure y circuler bruyamment, ou entendre le froissement des jolies robes des belles qui passent d’un pas pressé.

Merci à Pascal pour ces belles photos et félicitations pour son travail magnifique!

Toiles de fond et décors peints, partie 1.
Toiles de fond et décors peints, partie 2.

Toiles de fond et décors peints, partie 1



Chantal Bilodeau-Legendre


Voici un échantillon du travail de Pascal LeCossec, qui nous a aimablement fourni ces belles photos. Notez bien que Pascal a une bonne équipe qui collabore avec lui aux diverses étapes de la production. Prenez le temps d’en observer les détails. (Les visages des comédiens ont été brouillés pour préserver leur anonymat.) Cliquez sur les images pour les agrandir.

 

Londres en silhouettes

Le soleil se lève sur Londres, jetant une lumière dorée sur le smog qui plane au dessous. Le bleu des immeubles se coule dans la Tamise. Le pont nous invite à entrer dans la ville. Les édifices sont suggérés seulement : pas besoin de détails.

Le soleil se lève sur Londres, jetant une lumière dorée sur le smog qui plane au dessous. Le bleu des immeubles se coule dans la Tamise. Le pont nous invite à entrer dans la ville. Les édifices sont suggérés seulement : pas besoin de détails.

Singing in the rain!

Les couleurs vives des parapluies ressortent bien sur le fond bleu et noir de la ville. Un beau coup d’œil! Les décors doivent être conçus de manière à rehausser costumes et accessoires qui, eux, sont mobiles.

Bananiers à plein régime!

Quelques bananiers chargés de fruits entreront dans la composition d’un décor plus vaste. Un support dissimulé à l’arrière les fera tenir debout. Faites d’abord des croquis sur papier, puis reproduisez à grande échelle sur du carton robuste. Remarquez qu’il n’est pas nécessaire de tout tracer dans le détail : par exemple, des paires de traits suffisent à représenter les bananes. Les feuilles, en deux tons de vert soulignés de blanc pour créer un effet lumineux, ont été dentelées. On se sent du mouvement dans le feuillage, bien que tout soit figé.

Expédition dans la jungle


Ici, la verdure est suggérée en toile de fond : un bananier peint, des collines verdoyantes. Des arbustes posés çà et là ajoutent de la dimension… et des cachettes. Animaux en carton ou en peluche y trouvent une place : des fauves se dissimulent parmi les herbes hautes, tandis qu’un singe et un toucan sont suspendus à des cordes fixées au plafond.

Paysage de Russie


Du bleu, du blanc, du gris, un peu de marron et du vert servent ici à produire un fond plutôt neutre. Quand on désire suggérer un paysage « étranger », on gagne à se documenter pour connaitre les détails qui permettront de bien situer le lieu scénique. Trouvez les caractéristiques particulières du pays (géographiques, architecturales, etc.) et mettez-les en relief.

Toiles de fond et décors peints, partie 2.
Toiles de fond et décors peints, partie 3.


 

Styles de théâtre et décor

Photo de Pascal LeCossec

Le décor dépend des exigences du metteur en scène et de la créativité du responsable du décor. Par conséquent, ce dernier aura intérêt à faire des recherches soigneuses dans divers ouvrages de référence ou sur internet. Selon le contenu de la pièce, il se documentera sur l’intérieur des maisons du début du siècle, sur les paysages des lieux bibliques, etc. Avant de passer à la confection proprement dite, il fera des croquis ou des maquettes pour les présenter au metteur en scène.

Retenez bien ceci : ce qui est inutile est toujours de trop. Il est donc essentiel de s’interroger au moment de concevoir le décor : « Cet élément est-il nécessaire? Va-t-il ajouter quelque chose à l’histoire? » Des bibelots qui ne sont là que pour « faire joli », des cadres ne servant qu’à boucher des trous, voilà des détails qui risquent de détourner inutilement l’attention du spectateur. Par contre, une lampe éteinte peut sembler inutile à première vue, pourtant elle indiquera au public que l’action se passe de jour; quelques objets précieux serviront à souligner l’opulence d’un personnage.

Bien entendu, le décor dépend de l’époque et du lieu où se déroule la pièce, mais aussi du genre de théâtre que l’on fait. Ainsi, le théâtre de rue requiert des éléments à la fois simples, symboliques, faciles à transporter et à assembler. Si on joue dans une salle, on pourra élaborer un décor plus sophistiqué.

Un décor prétentieux révèle souvent une trop grande pauvreté de jeu chez les comédiens, tandis qu’un décor simple, mais bien pensé, soutient leur jeu. Sachez être sobre, tout en demeurant efficace!

Les styles de théâtre

Il existe plus d’un style de théâtre, nous vous en proposons quatre, déjà reconnus comme des classiques. Chacun de ces styles influe forcément sur la conception des décors.

Le naturalisme

Le théâtre naturaliste, aussi appelé « hyperréalisme », reproduit la réalité de façon extrême. On y grossit tout, comme à la loupe. Le naturalisme ne présente aux spectateurs que la vérité sur la scène. On fuit toute imitation. Le public assiste donc à une véritable peinture de la vie (certains vont même jusqu’à acheter de véritables quartiers de bœuf pour faire le décor d’une boucherie, ou encore à déménager une vraie cuisine sur la scène.)

Le réalisme

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Le mot est trompeur, car le théâtre réaliste donne plutôt «l’illusion » de la réalité : on fait exactement comme si tout était réel. Toutefois, le réalisme n’est pas la réalité, il l’imite seulement : paysage en trompe-l’œil, fenêtres avec perspective, arbres et rochers en papier mâché, boiseries et meubles peints. Les fantaisies sont permises dans la mesure où elles simulent la réalité, afin de créer une ambiance. En théâtre réaliste, on croit qu’une reproduction trop fidèle de la réalité (comme dans le naturalisme) risque de nuire au jeu théâtral.

Le symbolisme

l__chelle_de_la_soci_t_102Le symbolisme exploite surtout les sentiments et les pensées, les figures et les formes pour communiquer un message. Il évoque plutôt que de copier.

Le théâtre symboliste s’oppose au réalisme et au naturalisme, puisqu’il utilise des symboles pour suggérer la réalité. Quelques éléments au milieu d’une scène nue peuvent représenter un niveau social, un état d’esprit. Des barreaux deviennent une prison, une chaire tient lieu de tribunal, une véritable échelle illustre les échelons de la société. Un morceau de tissu, une couleur, un accessoire central peuvent servir à développer tout le thème de la pièce.

Le modernisme

Photo de Ali Müftüoğulları sur Unsplash.com

Le théâtre moderniste est le monde de l’abstrait, du temps irréel, de l’espace sans limite. Le modernisme permet beaucoup de fantaisie : il nous transporte à une autre époque, nous plonge dans un lieu virtuel. Il exploite la technique (diaporamas, vidéos, bruitage, etc.), et les comédiens peuvent produire eux-mêmes des effets spéciaux, à la vue du public.

En modernisme, on peut supprimer la séparation imaginaire salle/scène qui caractérise le réalisme et le naturalisme. On peut aussi faire éclater l’aire de jeu proprement dite et occuper la salle entière. On surprend le spectateur, l’intégrant même à la pièce. Le décor peut consister en accessoires, meubles, poutres, portes et fenêtres suspendues dans le vide, etc. Le théâtre moderniste ne connaît de limites que celles de l’imagination!

Bien souvent, nous privilégions de façon naturelle un style de théâtre plutôt qu’un autre. Mais il est intéressant, et même amusant, de toucher à un peu de tout et de combiner les possibilités.

♦ Voici deux exemples simples de panneaux pour les entrées et les sorties de scène.
♦  Jetez un coup d’oeil aux toiles de Pascal LeCossec ici, ici et .
♦ Vous trouverez surement des idées sur Church Stage Design Ideas.

L’équipe TE