Lorraine Hamilton
On vous a déjà dit : « Fais attention au quatrième mur »? Comme si un mur imaginaire sortait tout à coup de nulle part, ou que votre metteur en scène proposait un décor invisible? Un mur qui n’existe pas?
Question de convention
Oui, justement. Un mur qui n’existe pas, mais qui existe en théâtre. Une convention théâtrale veut qu’un mur imaginaire se dresse entre la scène et la salle. Imaginez que vous êtes sur une scène classique. Vous pouvez facilement voir deux murs latéraux et un mur à l’arrière-scène. Le quatrième mur est celui que vous ne voyez pas et qui vous sépare du public. Il existe afin de créer un effet de distance entre le comédien et le spectateur.
En théâtre, la distance est voulue pour que le comédien n’ait pas de contact visuel avec le public. C’est une règle à respecter.
Le spectateur est comme un « voyeur », et c’est ainsi qu’il « entre » dans l’histoire qui se déroule devant lui. Le jeu ne doit pas briser le quatrième mur, sinon il brisera aussi l’illusion réaliste. Le comédien joue comme s’il n’y avait pas de public et, ainsi, il joue plus proche de la réalité.
En s’adressant directement au public, on risque de rompre ce qu’on appelle, le « contrat narratif » réaliste. Autrement dit, le spectateur décrochera. C’est un peu comme au cinéma : les acteurs ne regardent pas la caméra, elle est « inexistante ». C’est la même chose au théâtre : pour les comédiens, le public n’existe pas.
Des exceptions
Toutefois, un narrateur peut et doit s’adresser au public. Il est le seul sur scène qui peut le faire. Le narrateur est aussi près de la salle que de la scène, et c’est lui qui fait le lien entre les deux. Sa position narrative exige de lui une proximité avec les spectateurs, contrairement aux comédiens sur la scène.
On pourrait croire que les monologues ou les apartés brisent le 4e mur, mais en fait, c’est plutôt le personnage qui se parle intérieurement. Cette technique constitue, elle aussi, une convention théâtrale.
Par ailleurs, en théâtre jeunesse, destiné aux enfants, on peut briser ce mur pour faire interagir ces derniers. Il faut stimuler les enfants pour attirer leur attention. Un public adulte, en revanche, n’a pas besoin d’une telle stimulation.
Briser le mur?
Il se peut qu’un groupe qui débute brise le 4e mur sans en être conscient – tout simplement parce qu’il n’en connait pas l’existence.
Il arrive toutefois que certains metteurs en scène cherchent volontairement à le briser, par exemple sur une scène éclatée, en théâtre de rue, etc. Dans ce cas, les comédiens s’adressent directement au public. Pour se lancer dans une telle aventure, il faut que l’action soit justifiée et faite intelligemment. Il faut aussi s’attendre à ce que le public soit déstabilisé.
En théâtre réaliste, on recherche l’effet d’identification: le comédien s’identife à son personnage, et les spectateurs s’identifient aux personnages incarnés sur la scène. En brisant le 4e mur, le comédien interrompt cet effet.
Personnellement, surtout si vous faites vos premiers pas en théâtre, je vous conseille de respecter le 4e mur afin de bien faire passer votre message. Lorsque je travaille avec les comédiens, je leur demande aussi de ne pas lancer des regards dans la salle (pour apercevoir papa ou maman, par exemple). Un regard qui se perd ainsi est toujours repéré par plusieurs, qui ne manquent pas de décrocher. Suivez mon conseil : concentrez-vous sur votre jeu. Portez toujours vos regards et votre attention sur l’action qui se passe sur scène, et le public en fera tout autant.