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La parole

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Lorraine Hamilton

La parole est l’un des quatre langages de théâtre du comédien. Voici quelques conseils généraux pour bien exploiter ce langage.

Ar-ti-cu-lez!

Pour améliorer votre diction, apprenez à toujours parler le corps et les épaules bien droits, comme si vous teniez un bouclier devant votre poitrine. Articulez bien et parlez lentement.

Déformation de voyelles

Attention à ne pas déformer les sons voyelles. Écoutez-vous parler, ou demandez à un camarade de vous écouter. Avez-vous tendance à allonger des voyelles inutilement, à changer un o ou un a ouvert en â, à intercaler des a où il ne faut pas (J’ai paeur de mon paère)? Corrigez ce défaut!

Escamotage

On a parfois tendance à prononcer certains sons plus faiblement, quand on ne les supprime pas carrément! C’pas diff’cile, après d’z heures d’soir, de s’prendr’ pour un artiss’… Au théâtre, la parole doit être claire. Même si on joue le rôle d’un personnage au langage relâché, la prononciation doit être nette.

Exercices

♦ Placez un crayon entre les dents (bien au fond : sentez-le « dans » les joues) et parlez le plus clairement possible.

♦ Parlez les dents serrées : remuez les lèvres autant que possible pour bien détacher les syllabes et les sons.

♦ Parlez avec des billes ou des cailloux dans la bouche. (Ne JAMAIS demander à un enfant de le faire!)

♦  Répétez souvent des virelangues.

Ton de la voix

Le ton est la hauteur de la voix, mais aussi son intensité. Une personne énervée ne s’exprime pas comme une personne calme. L’enfant émerveillé, l’adolescent blasé et l’adulte inquiet ne parlent pas non plus sur le même ton. Chaque personnage devrait avoir un ton qui lui est propre.

En français, on accentue généralement la finale des mots. Si on « monte » le ton quand on pose une question, on devrait toutefois laisser les autres phrases « tomber » naturellement.

Respiration

Pour ne pas s’essouffler tout en parlant, il est important de respirer correctement, c’est-à-dire « par le ventre ». Il faut en effet se servir des muscles de l’abdomen pour pousser l’air hors des poumons, et non se limiter à soulever et abaisser la cage thoracique. En apprenant à contrôler ainsi votre respiration, vous constaterez que vous aurez plus de souffle et plus de puissance en parlant.

♦  Pour vous exercer à respirer « du ventre », allongez-vous sur le dos et posez un livre sur votre abdomen. Respirez lentement et profondément de manière à soulever le livre. Répétez souvent cet exercice.

Projection

La projection de la voix est l’action de « projeter » sa voix le plus loin possible, de manière à se faire entendre par le plus grand nombre sans crier. La respiration par le ventre facilite la projection, car l’air expulsé des poumons avec plus de force aide à porter la voix plus loin.

Pour améliorer la projection

♦ Placez une chandelle allumée à la hauteur de votre bouche. Parlez de manière à faire remuer la flamme. Reculez la chandelle de plus en plus. (Au lieu d’utiliser une chandelle allumée, demandez à quelqu’un de tenir devant vous un morceau de papier de soie ou une plume.)

♦ À deux, donnez-vous la réplique à bonne distance l’un de l’autre, d’une voix forte mais sans crier. Augmentez la distance.

♦ Lisez aussi Modulation de la voixProjection de la voix et Exercices pour la voix.

Apprenez à parler sans micro. Les micros, bien qu’ils puissent s’avérer utiles dans une salle dont l’acoustique est mauvaise, peuvent nuire au jeu des comédiens et même agacer les spectateurs.

La mémorisation

Par Lorraine Hamilton

Il est important de ne pas monter sur scène avec son texte en mains pendant les répétitions. Tant que les répliques ne sont pas sues, on ne peut pas vraiment travailler. Il faut donc mémoriser son texte à la maison avant d’entreprendre le travail de scène.

Le cache

Il existe diverses méthodes de mémorisation, mais la plus courante est celle du cache. Il s’agit d’apprendre une phrase en cachant le reste du texte avec une feuille. Mémorisez, puis descendez la feuille d’une ligne. Mémorisez encore, puis descendez à nouveau la feuille. Après trois lignes, remontez le cache pour les masquer et essayez de les dire à voix haute. Si vous n’y arrivez pas, descendez d’une ligne, allez voir, remontez, réessayez, enchaînez encore. Mémorisez de la même façon la quatrième et la cinquième phrase. Cachez de nouveau le tout et enchaînez 1-2-3-4-5. Progressez de cette façon pour toutes vos répliques.

L’entraide

Demandez à une autre personne de vous donner la réplique. Votre oreille doit s’habituer à entendre les répliques de vos camarades – et vous devez les connaître pour savoir où placer les vôtres. Vous pouvez également enregistrer votre texte (et celui des autres) afin d’écouter les répliques en boucle. Surtout, ne mémorisez pas votre texte à 100 à l’heure! Il sera extrêmement difficile de ralentir votre rythme par la suite.

Comprendre

Mais il ne suffit pas de réciter : il faut aussi comprendre votre texte et le « vivre » de façon naturelle, comme si vous étiez concerné par la situation à interpréter. Analysez les différentes articulations de chaque scène, voyez leur enchaînement logique. Trouvez le sens des répliques, les vôtres et celles des autres, dans leur contexte, de manière à les « accrocher » les unes aux autres. En comprenant la logique du texte, vous le mémoriserez plus facilement.

Par exemple, on pourrait analyser ainsi une scène à mémoriser  (exemple tiré de la pièce Donne-moi ta vie):

  1. Renommée entre en scène et va vers Candide.
  2. Candide se réveille.
  3. Renommée tente de convaincre Candide de la mettre en tête de sa liste.
  4. Renommée lui promet la gloire.
  5. Candide s’inquiète à savoir si elle aura des amis.
  6. Renommée la rassure.
  7. Grand-mère lui dit que Renommée lui raconte des mensonges.
  8. Renommée détourne l’attention de Candide.
  9. Grand-mère lui rappelle que Jésus est mort pour ses péchés.
  10. Renommée lui promet de la rendre célèbre.

La scène ainsi découpée, il vous sera plus facile d’en voir l’enchaînement et d’y caser vos répliques.

Apprendre à plusieurs

Il n’y a rien de tel que d’apprendre votre texte à plusieurs, comme si vous le jouiez sur scène. Le texte prendra vie dans votre esprit. En le récitant ensuite, vous pourrez vous rappeler le jeu de vos collègues. Vous aurez des repères pour lancer vos répliques et risquerez moins d’avoir des trous de mémoire.

Voir aussi:
Répétitions: Conseils et lectures suggérées

L’italienne

Par Lorraine Hamilton

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L’italienne est une répétition où le texte de théâtre est lu de façon neutre, sans mettre de ton.

L’italienne s’impose au début d’un projet de théâtre : elle permet aux comédiens de se faire une idée d’ensemble de la pièce et des divers personnages. On peut faire une italienne à n’importe quel moment pendant la production : assis tous ensemble, les comédiens lisent le texte sans expression. Cet exercice peut s’avérer utile pour fixer des répliques dans la mémoire et pour mieux comprendre la psychologie des personnages. Le metteur en scène peut en profiter pour interroger les comédiens sur leurs rôles : « Pourquoi est-ce que tu dis ceci? Quel est le but de cette intervention à ce moment-ci? »

Voir aussi:
La mémorisation
Trouver l’objectif de son personnage
Les cinq composantes de base de l’interprétation

L’étude du personnage

Par Lorraine Hamilton

theatre-51Pourquoi étudier son personnage?

L’étude de personnage permet de dresser un portrait du personnage à interpréter. Il faut en effet lui créer une personnalité (qualités, défauts, manies, tics, etc.), lui prêter une voix, un aspect général, un style – bref une « vie », qui n’est pas décrite explicitement dans le texte de la pièce, mais qui déterminera la façon de le jouer. De plus, il faut aussi comprendre quelle place le personnage occupe dans la pièce, quel est son rapport avec les autres. Pour ce faire, l’élaboration d’un questionnaire s’avère fort utile.

Au début de la préparation d’une pièce, le metteur en scène remet à chacun et chacune la copie d’un questionnaire d’étude (voir plus bas).  Les comédiens doivent y répondre selon les indices fournis dans le texte de la pièce. Si ce dernier ne donne pas d’indice, les comédiens peuvent déduire ou inventer des réponses qui sont en harmonie avec les révélations du texte. L’étude d’un personnage n’est pas définitive, mais évolutive. Au fil des répétitions, les comédiens cernent davantage leur rôle. Ils en arrivent à mieux comprendre leur personnage, et ainsi peuvent raffiner le portrait qu’ils en font.

Négliger l’étude de son personnage

Si le personnage est mal connu du comédien lui-même, les spectateurs auront du mal à le cerner et à comprendre ses interventions. Le comédien le jouera sans conviction, le rendant ainsi peu crédible. En en faisant l’étude, il ajoutera de la véracité à son jeu.

Si le comédien ne connaît pas bien la personnalité de son personnage et qu’il a un blanc de mémoire, il aura du mal à improviser intelligemment. Il risque de décrocher de son rôle en lançant des phrases creuses. Par contre, grâce à une bonne étude, il pourra improviser selon le caractère de son personnage. Sa maîtrise et son assurance seront évidentes, et il est fort probable que les spectateurs n’y voient que du feu.

Exemple de questionnaire

Voici plusieurs questions qui facilitent l’étude d’un personnage. Bien entendu, elles s’adressent au personnage à interpréter, et non au comédien lui-même! Libre à vous de les adapter à vos besoins.( Vous pouvez télécharger un document plus bas.)

  • Comment t’appelles-tu (nom et prénom)?
  • Quel âge as-tu?
  • Quelle est ta nationalité?
  • Qui sont tes amis?
  • Qu’aimes-tu faire durant les week-ends?
  • Quelle est ta musique préférée?
  • Quelles sont tes lectures préférées?
  • Quel est ton sport préféré?
  • Quels sont tes passe-temps?
  • Quelles sont tes qualités?
  • Quels sont tes défauts?
  • Es-tu un leader ou un suiveur?
  • Es-tu introverti ou extraverti?
  • As-tu un tic, une manie?
  • Quel est le timbre de ta voix?
  • Quel est ton débit quand tu parles?
  • Quel est le rythme de tes gestes : lent, rapide, saccadé?
  • Décris ta relation avec les autres personnages de la pièce.
  • Quel est ton but dans cette pièce?

Téléchargez ici ce questionnaire d’étude de personnage .

 

Répétitions: conseils et lectures suggérées

Nous avons réuni ici quelques conseils qui s’avéreront utiles pour exploiter au mieux les répétitions. Lisez aussi les nombreux articles suggérés par les hyperliens. Cet investissement de temps en vaudra la peine!

À la maison

♦ Affichez le calendrier des répétitions (échéancier de production) à un endroit bien visible, afin de toujours savoir si votre présence est requise les jours de répétition.

♦  Mémorisez votre texte à la maison (et non pendant les répétitions) en variant vos méthodes: lisez-le plusieurs fois, demandez à des amis de vous donner la réplique, enregistrez tout le texte en laissant de longs silences pour insérer vos répliques, etc.

♦  Ne mémorisez jamais votre texte sans lire les autres répliques. Vous devez bien comprendre toutes les interventions et savoir où se situent les vôtres.

Pendant les répétitions et la représentation

♦ Évitez le cabotinage.

♦ Apprivoisez le trac.

♦ Favorisez le travail d’équipe constructif.

♦ Cherchez à bien comprendre l’objectif de votre personnage dans la pièce et la motivation de toutes ses interventions.

♦ Offrez toujours votre visage au public lorsque vous parlez. Ne parlez jamais de dos.

♦ Parlez FORT. Exercez-vous à projeter votre voix très loin et à parler du « ventre » plutôt que de la gorge. Pensez que vous devez toujours parler pour la dernière rangée de spectateurs. (Voyez Exercices pour la voix.)

♦ Parlez lentement et avec assurance. Soignez votre diction. (Voyez  La parole et nos virelangues.)

♦ Faites souvent des pauses, des silences justifiés et bien meublés. Ne précipitez pas vos interventions.

♦ Souvenez-vous qu’en théâtre, le geste précède la parole.

♦ Dirigez toute votre attention sur ce qui se passe sur la scène, et non vers le public. Ne regardez jamais les spectateurs. Imaginez qu’il existe un mur entre eux et vous.

♦ Si toutefois votre rôle consiste à vous adresser au public (narrateur, lecteur), promenez votre regard juste au-dessus des têtes.

♦ Si un camarade a un trou de mémoire, allez à son secours en improvisant une réplique qui l’aidera. Soyez généreux!

L’équipe TE