Passera, passera pas?

 

« Après la pièce, j’ai demandé à des amis de me raconter l’histoire. C’est drôle, on dirait qu’ils n’ont rien compris. » – Drôle… ou tragique? 

Nous avions un message du tonnerre et les bonnes idées fusaient de partout. Nous étions sûrs de la direction de Dieu. Toute l’église nous appuyait. Le projet sentait la réussite à plein nez. Et pourtant, malgré tout l’enthousiasme et la bonne volonté du groupe, les amis n’ont rien compris à l’histoire. Que s’est-il passé? 

Au fil de la préparation d’une pièce, des forces déviatrices peuvent s’exercer. Elles risquent de détourner notre flèche de sa trajectoire. (Voir l’article sur la Le superobjectif et ligne d’action principale) Un peu à gauche, un peu au-dessus, et voilà la cible manquée. Manquée de peu, peut-être, mais manquée tout de même.

Photo de Engin Akyurt sur Unsplash.com

Voici quelques-unes de ces forces déviatrices ainsi que des pistes de solution pour vous assurer que le message de votre pièce atteint sa cible.

Texte confus

Cela va de soi: le texte de la pièce constitue un facteur déterminant pour la réussite du projet. Un texte mal bâti engendre la confusion dans l’esprit des spectateurs.

♦ Les idées sont désordonnées, sans suite logique.

♦ On n’y distingue pas la structure : introduction – nœud – dénouement.

♦ On n’y voit pas de ligne directrice.

♦ Un trop grand nombre de personnages interviennent sans raison.

♦ Quelques scènes hors contexte amènent notre attention ailleurs.

♦ Trop de tableaux rompent l’enchaînement des scènes.

Faites ce petit test : Racontez d’abord l’histoire à un ami. Si vous avez l’impression de tourner en rond, si vous devez passer par le sud pour vous rendre au nord, il s’agit probablement d’une histoire confuse.

Piste de solution. Si vous avez en mains un texte confus, changez de pièce! Mais parfois, les faiblesses d’un texte ne sont pas terribles : vous pourriez les rectifier, avec la permission de l’auteur. Quelques coupures et ajouts suffiront peut-être à offrir une histoire plus claire.  Et puis, jetez un coup d’oeil à notre dossier Écriture.

Absence d’un message central

Une pièce peut contenir une foule d’idées intéressantes, sans pour autant contenir de message central. Que veut-on communiquer, au juste? Supposons que notre cœur déborde de vouloir dire au spectateur que Dieu l’aime, que le sacrifice de Jésus suffit pour le sauver, que la Bible est la seule autorité du croyant, que la théorie de l’évolution ne tient pas, que Dieu désire guérir ses souffrances, qu’il ne sert à rien de prier les idoles et que la foi déplace des montagnes. Ouf! Dites-moi franchement : Croyez-vous que le spectateur réussira à réfléchir tous ces sujets à la fois?

Piste de solution. Si la pièce est ainsi construite, trouvez-en une autre. Il est important que les personnages progressent vers un seul dénouement, offrant aux spectateurs matière à réflexion. Prenez le temps d’explorer nos pièces!

Grand nombre de distractions

Le texte de la pièce a fait l’objet d’une analyse détaillée. Verdict : il est clair et ne comporte qu’un seul message central. Merveilleux! Nous l’entreprenons. Durant la représentation, certains spectateurs se grattent la tête, observant leurs voisins pour voir s’ils sont les seuls à perdre le fil de l’histoire… Qu’est-ce qui a bien pu les distraire?

♦ Les effets techniques l’emportent sur le jeu des comédiens ou sont difficiles à saisir.

♦ Les jeux d’éclairage sont prétentieux.

♦ Les pièces musicales coupent le fil de l’histoire.

♦ Le diaporama présente des images floues.

♦ La scène est mal éclairée.

♦ Les comédiens offrent une mauvaise élocution et leur jeu dramatique n’est pas sincère.

Piste de solution.  Durant la préparation de la pièce, assurez-vous que tous les détails mis en place sont justifiés, autant les effets techniques que les jeux de scène des comédiens. Le jeu d’éclairage n’existe pas pour susciter l’admiration mais pour rehausser l’émotion du personnage. La musique ne sert pas à assourdir le public mais à l’inviter à la réflexion. Un effet technique réussi ne se fait pas remarquer : il s’insère tout doucement dans l’histoire. Il est comme le bon sel, il rehausse simplement la saveur. (Connaissez-vous les 14 langages de théâtre?)

Le comédien se fait valoir

On peut manquer la cible lorsqu’un comédien fait des drôleries pour attirer toute l’attention sur lui. Au lieu de repartir avec le message bien en tête, le spectateur sortira en disant : « Comme il était drôle ce garçon! » Et on est passé à côté!

Piste de solution. Si le metteur en scène remarque qu’un comédien cherche à cabotiner durant les répétitions, il doit l’en aviser et redresser la situation. Il devrait d’ailleurs aborder la question du cabotinage à diverses occasions durant le projet, et insister sur la générosité et l’humilité dont chacun et chacune devrait faire preuve.

Objectifs personnels qui dévient

Comédien, metteur en scène ou technicien, nous avons des objectifs personnels en tête. Certains sont parfois très bons, mais d’autres s’écartent de l’objectif principal.

♦  «On a déniché un méga système d’éclairage pour 100 $. On se demandait quoi faire avec. Pourquoi ne pas monter une pièce de théâtre? »

♦  « On a une excellente chorale et plusieurs chants sont déjà prêts. On pourrait peut-être les inclure dans votre spectacle?»

♦  « Le théâtre, j’ai ça dans le sang! Partout où je passe, les gens se tordent de rire. Je suis sûr qu’une bonne blague bien placée, ça va réveiller votre monde. »

♦  « Ben, c’est que mon meilleur ami est dans votre groupe. J’ai décidé d’embarquer moi aussi. »

Piste de solution. Usez de discernement lorsque des personnes enthousiastes, créatives et bien intentionnées font des propositions pour concocter un spectacle ou « rehausser » une pièce. Curieusement, ce sont souvent les idées les plus attrayantes qui nous font dévier! N’acceptez pas d’emblée tout ce que l’on vous suggère. Prenez le temps d’y réfléchir et de bien le considérer. Dire non avec tact et douceur, en expliquant clairement les motifs de ce « non », est un art qui s’apprend. Certes, vous risquez de décevoir des gens, mais vous devez vous rappeler dans quel but et pour qui vous faites du théâtre.

Et si le message passait?

Tous les choix du metteur en scène doivent être justifiés. Pour être en mesure de passer un bon message par le théâtre, il doit comprendre ce qui appuie le message et ce qui l’en détourne. Laissons le spectateur partir avec une seule idée en tête, celle du message qui vient de traverser son cœur.

Bien entendu, tous les projets de théâtre ne seront pas parfaits, il y aura des erreurs de parcours. Reconnaître les forces déviatrices ne s’apprend pas du jour au lendemain! Mais il faut aller de progrès en progrès à cet égard, sans se décourager, en comptant sur le grand Metteur en scène pour nous guider dans notre travail!

Lorraine

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