Henriette Feller, passion et audace au service de Dieu (extraits, partie 1)

Texte : Chantal Bilodeau-Legendre
Mise en scène : Lorraine Hamilton
Photographies : Christine Joyal Chaussé

Ce monologue d’environ une heure se compose d’une succession de dialogues à une voix, de souvenirs, de réflexions, de récits. Voyez le texte complet ici. La petite histoire derrière cette pièce fait l’objet d’un article de blog.

ACTE 1 : LE DÉPART

 Extrait de la scène 1 – Au commandant :

Seule. Enfin, oui et non. Je suis veuve. Voici mon certificat de femme seule.

M. Roussy voyage avec moi.

Non, M. Roussy n’est pas mon mari, je suis veuve, comme je vous ai dit.

M. Roussy est mon collaborateur. Nous allons annoncer l’Évangile à Montréal. Connaissez-vous l’Évangile de Jésus-Christ, M. le Commandant?

M. Roussy se fera un plaisir de vous en parler dans le détail, n’est-ce pas, Louis?

Extrait de la scène 2 – À Louis Roussy :

Eh bien! Nous sommes arrivés ici le 26 aout, espérant partir le 1er septembre. On n’avait rien de mieux à vous offrir que l’entrepont, alors…

Quoi? Vous auriez logé sur l’entrepont pendant six semaines? Jamais de la vie! Non, nous avons attendu une semaine comme on nous l’avait demandé… et maintenant : les vents sont contraires! Ah! Il faut voir là la direction de notre Seigneur, mon cher!

Vous avez raison : nous allons continuer le travail que nous avons commencé ici…

Extrait de la scène 3 – Arpentant le quai

Tous les jours, pendant une dizaine de jours, nous scrutons l’horizon. Avec septembre qui avance et le vent qui ne veut pas souffler dans la bonne direction, nous contenons notre impatience.

[… ]

Quand finalement le commandant nous annonce qu’il est prêt à appareiller, nous sommes fous de joie! Et le brave homme a pour nous une bonté que le Seigneur même lui inspire. Il accorde à M. Roussy une cabine de première classe, et il nous fait payer la moitié du prix!

Extraits de la scène 4 – À bord du navire

20 septembre 1835. J’ai 35 ans. Après avoir quitté la Suisse, me voici à bord du Francis de Pau, traversant l’Atlantique pour me rendre en Amérique. À moi qui suis si peu de choses, le maitre a confié une grande mission.

Il y a 200 ans, des centaines de huguenots français ont pris le large à partir de La Rochelle. Ils ont fait voile comme moi à travers cet océan pour gagner le Nouveau Monde. Ces hommes et ces femmes voulaient vivre leur foi en toute liberté. Ils ont fui les contraintes et les persécutions de l’église de Rome, le cœur gonflé d’espérance, afin de commencer une vie nouvelle, sur une terre nouvelle… […] Mais de liberté, ils n’ont point connu, ou si peu, si peu longtemps. Les loups qu’ils ont fuis en France les ont rattrapés dans cette colonie, la Nouvelle France, qui depuis est devenue la Province de Québec, une possession de la Couronne britannique. […] Pourrai-je aider à faire renaitre de ses cendres la foi évangélique? C’est un Évangile oublié que je veux apporter aux Canadiens français.

ACTE 2 : PREMIÈRE ANNÉE PARMI LES CANADIENS FRANÇAIS

Extrait de la scène 1 – Écrivant dans son journal

Ici, dans le Bas-Canada, si on est Canadien français, on est nécessairement catholique. Les protestants, ce sont les Anglais. Ici, impossible de concevoir que l’on puisse à la fois être Canadien, parler français et… être protestant. Ce serait une aberration. Être protestant, c’est trahir sa langue et son peuple.

Extrait de la scène 2 – Rendant visite à une femme

Connaissez-vous Jésus, madame?

« Le p’tit Jésus »?… Euh… eh bien… il a grandi, vous savez!… (Sortant un nouveau testament) Son histoire est écrite dans ce livre… […] Lisez ce qui est écrit ici à propos de Jésus… […] « C’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. »

Qu’est-ce qu’il y a?

Oh! Vous ne savez pas lire? Je suis désolée! Je ne voulais pas vous embarrasser! Mais peut-être que votre grand garçon ici pourrait nous lire quelques lignes.

Il ne va pas à l’école?

Et votre mari?

Lui non plus ne sait pas lire?

Extrait de la scène 3 – À sa table

(En colère) Quand il ne sait pas lire, le peuple fait tout ce qu’on lui dit. Quand on le tient dans l’ignorance, on lui fait faire tout ce qu’on veut. Et ce ne sont pas les chefs britanniques qui empêchent les Canadiens français de s’instruire, c’est le clergé catholique. Et non contents de garder le peuple canadien-français dans l’ignorance, les chefs spirituels président les messes en latin. Une langue que personne ne parle ni ne comprend! Cela me dépasse!

Extrait de la scène 4 – Prenant le thé avec M. et Mme Olivier

Le porte-à-porte me procure beaucoup de joie. J’aime parler avec les Canadiens français. […] J’aime leur montrer, à partir de la Bible, que la vie éternelle ne s’obtient que par la foi en Jésus-Christ et en son sacrifice sur la croix. Beaucoup entendent ce message pour la première fois, et ils en sont tout émus.

Oui, le manque d’instruction est un obstacle qu’il faut surmonter. Depuis que j’ai commencé à enseigner à lire et à écrire en me servant de la Bible comme manuel, sept enfants viennent régulièrement. […]

J’avais d’autres élèves, mais ils ne viennent plus. Leurs parents leur ont défendu d’assister à mes leçons. Le curé ne voulait pas.

Extrait de la scène 5 – Réflexions

(Avec fougue) Les prêtres passent après nous dans les foyers. Quand ils apprennent que leurs fidèles ont reçu la visite de protestants et acheté un exemplaire de la parole de Dieu, ils exigent que le livre soit brulé sur le champ! […] La Bible est un livre maudit! […]

Pourtant… Tu me parles, par ce livre. Tu me réconfortes et me rappelles tes promesses, tes avertissements, tes encouragements. […] La Bible est livre BÉNI! Un phare […], une lampe sur le chemin! […] Ce livre béni […] m’a fortifiée dans les moments difficiles… Et des moments difficiles, j’en connais… car j’ai fait des projets, mais ceux de Dieu sont différents. […]

Extrait de la scène 6 – Avec les Olivier

Vous toussez toujours plus, mon pauvre ami! […] Vous avez vu votre médecin. Que vous a-t-il conseillé?

Je m’y attendais. Le climat de la Suisse vous sera plus favorable.

Oui, bien entendu, au printemps, dès que la navigation sera possible.

Vous allez me manquer, mes chers amis!

Quoi? Jamais de la vie! Ma place est ici, au Canada!

Je ne suis pas venue au Canada pour vous suivre – mais pour suivre mon Maitre. C’est LUI qui m’a appelée ici!

[…]

Non, non! Je ne veux rien entendre! Je suis clouée au pays!

Extrait de la scène 7 – Réflexions

M. et Mme Olivier quittent le Canada au printemps 1836. Quant à moi, en mai, je déménage dans des appartements retenus à Saint-Jean, près de la rivière Richelieu. M. Roussy vient me rejoindre, car il ne reste pas longtemps à L’Acadie – l’opposition des prêtres n’a pas pu être vaincue. On l’a congédié de l’école où il enseignait parce qu’il prêchait l’Évangile. […] Non seulement les villageois refusent en général de l’écouter, mais certains emploient même la force. À une occasion, des femmes armées de bâtons se rassemblent et lui tombent dessus pour le battre!

Lisez des extraits des actes 3 et 4 de ce monologue.

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