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Le superobjectif et la ligne d’action principale

Le théâtre est porteur de messages. Et chaque message, s’il est bien conçu, ne devrait conduire que vers un seul but, n’avoir qu’un seul grand objectif – un superobjectif. De façon générale, le superobjectif d’une pièce est son thème principal. Dans le théâtre à messages, comme le nôtre, le superobjectif devient le message même que nous désirons transmettre aux spectateurs. C’est lui qui assurera la cohésion et la cohérence des divers éléments de la pièce.

Le courant des objectifs mineurs indépendants, toutes les inventions, les pensées, les sentiments et les actions de l’acteur doivent converger vers le superobjectif de la pièce. Le lien commun entre eux doit être si fort que même le détail le plus insignifiant, s’il se trouve sans rapport avec le superobjectif, paraîtra faux ou inutile.*

Les objectifs des personnages (voir Trouver l’objectif de son personnage) s’incorporant les uns dans les autres, ils tracent le chemin du superobjectif. De même, tous les langages techniques – son, éclairage, costumes, accessoires, etc. – ne serviront qu’un seul but. Ils devront donc être conçus en conséquence.

Comment trouver le superobjectif?

De toute évidence, le metteur en scène doit étudier la pièce sous toutes ses coutures s’il désire connaître son message central. Il doit se demander : « Qu’est-ce que je veux que les spectateurs aient retenu de la pièce à la fin de la présentation? » Bien souvent, la réponse à cette question, une courte phrase, permet de cerner le superobjectif.

Illustration

Pour la pièce La Perle, nous avons formulé ainsi le superobjectif : « Jésus offre le trésor le plus précieux. » Ce message central devient, en quelque sorte, l’étendard du projet – ce vers quoi devront converger tous les efforts des comédiens de même que les éléments techniques.

Schématisons tous les petits segments de la pièce : les objectifs, les mouvements des comédiens, les effets sonores, l’éclairage, le décor, les costumes. Nous obtenons ainsi une ligne d’action principale.

Trois possibilités s’offrent au metteur en scène.

1. Ligne d’action où les objectifs n’ont pas été déterminés en fonction d’un même but. Chaque segment vise une direction différente. Chacun peut être excellent en soi, mais ils « sortent » de l’histoire. Ça ne va pas!

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2. Ligne d’action dirigée vers un but unique, mais où l’on a introduit des thèmes supplémentaires. Ainsi disloqués, les éléments se trouvent détournés de leur direction principale. Il reste encore du travail à faire!

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3. Voici une ligne d’action principale bien bâtie, où tous les segments pointent vers le même but et se confondent dans un même courant. Excellent! La cohésion de toute la pièce est assurée!

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Le mot de la fin…

Si vous jouez sans vous occuper de la ligne d’action principale, lui dis-je, vous ne faites qu’exécuter une série d’exercices incohérents qui ne suffisent pas à créer le rôle. Vous avez négligé un fait important : tous ces exercices ont pour but de déterminer une ligne de force essentielle. C’est pourquoi les très beaux passages de votre rôle n’ont produit aucun effet. Des fragments de statue ne peuvent prétendre être une œuvre d’art.*

Lorraine


* La formation de l’acteur, Constantin Stanislavski, comédien, metteur en scène et professeur d’art dramatique russe (1863-1938)

Les divisions d’une pièce

Une pièce se divise en tableaux, en actes et en scènes. Le découpage d’une pièce en facilite la lecture, l’étude et la réalisation. Si un metteur en scène travaille avec une pièce ou un sketch que l’auteur n’a pas divisée, il devrait le faire lui-même avant de commencer son travail avec la troupe.

Photo de Morgan Harris sur Unsplash

Tableau

Le tableau est une division marquée par un changement de lieu et de décor. Il peut contenir plusieurs actes et plusieurs scènes. D’habitude, les sketches ne comportent qu’un seul tableau. Même chose pour les pièces de courte durée. (Un changement de tableau doit être justifié, c’est-à-dire qu’il doit appuyer le message clé de la pièce. Des changements de décor trop fréquents essoufflent non seulement les techniciens, mais aussi les spectateurs, qui risquent de se demander à quoi servent tous ces « déménagements » et ces interruptions du récit.)

Acte

De façon traditionnelle, un acte se caractérise par une unité de lieu ou de temps. Le passage d’un acte à l’autre correspond donc à un jalon important du récit de théâtre.

Scène

Les scènes sont les subdivisions de l’acte. De façon traditionnelle, une scène est marquée par l’entrée ou la sortie des personnages. Les scènes correspondent à de petites histoires à l’intérieur de la grande histoire.

Trouvez des titres!

Voici un petit conseil pour les metteurs en scène: essayez de trouver un titre pour chaque acte et chaque scène. Un titre devrait être bref et bien résumer le contenu de l’acte ou de la scène. En titrant ainsi les divisions de la pièce, vous aiderez les comédiens à mieux saisir la progression de l’intrigue et à situer l’importance de telle ou telle scène dans l’ensemble du récit.

L’équipe TE

L’intrigue

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Que vous souhaitiez écrire une histoire (sous forme de pièce ou autre), ou que vous désiriez « décortiquer » un récit pour mieux comprendre l’enchaînement de ses éléments, il est important de connaître la structure de l’intrigue.

(Et si le coeur vous en dit, jetez aussi un coup d’oeil à notre dossier Écriture!)

Une explication

Mais d’abord, qu’est-ce qu’une intrigue? Tout simplement, une suite d’actions unifiées par un thème. En voici une description très sommaire.

On commence par une situation initiale – comme si on plaçait des pions sur un échiquier. Cette partie est souvent de courte durée. Un événement déclencheur surgit, prétexte à l’action, et vient perturber l’équilibre du début. À cet événement en succède un autre, puis un autre… Ce sont les péripéties, qui constituent la plus grande partie de l’histoire, son « nœud ». Elles consistent en rebondissements, en conflits qu’on tente de régler, etc. Les péripéties s’enchaînent en un crescendo et finissent par atteindre un point fort (ou climax), qui correspond au moment de la pièce où l’émotion est la plus intense, d’habitude juste avant la fin. Ensuite, le dénouement présente la résolution de tous les conflits. C’est là que, d’habitude, les méchants sont punis et les gentils récompensés. Cette partie de l’intrigue devrait fournir aux spectateurs des réponses satisfaisantes à leurs questions. Elle ne dure pas très longtemps. Enfin, une dernière partie, plus courte encore, expose la situation finale : l’histoire se termine par un nouvel équilibre, retrouvé après toutes les péripéties et leur dénouement (Lucky Luke s’éloignant dans le soleil couchant, ou le ils-vécurent-heureux-et-eurent-beaucoup-d’enfants des contes).

Une illustration

Situation de départ

Il était une fois, dans un royaume fort éloigné, une jolie princesse… (Qui? Quoi? Où? Quand?)

Événement déclencheur

Un jour, la vilaine reine se rendit compte que… (Sans événement pour déclencher l’action… eh bien, il n’y a pas vraiment d’histoire!)

Péripéties

Alors la vilaine reine tendit un piège… Mais la princesse… Alors la reine se déguisa et… Heureusement, la marraine… Furieuse, la reine prit les grands moyens et… Alors, un valeureux jeune homme… (Et ainsi de suite, en un crescendo insoutenable.)

Point fort

Lorsque la reine ordonna à son dragon de calciner la princesse ligotée, le valeureux jeune homme, plus vif que l’éclair… (Apogée du crescendo)

Dénouement

Le valeureux jeune homme (qui était un prince déguisé) débarrassa le royaume de la vilaine reine. Celle-ci fut contrainte à laver les chemises de l’archiduchesse à perpétuité. (Bien fait pour elle!)

Situation finale

Le prince épousa la princesse, et ensemble ils gouvernèrent le royaume avec beaucoup de sagesse pendant très longtemps. (On essuie une larme. Tout est bien qui finit bien.)

Attention!

Il arrive qu’une histoire commence par la fin… On fait alors un retour en arrière, puis on revient dans le présent. Il existe en effet diverses façons de développer une intrigue. Nous vous avons présenté la façon traditionnelle.

Exercices

♦ Lisez une histoire et identifiez-en les divers éléments. (Vous pouvez faire la même chose à partir d’un film, d’un épisode de feuilleton télévisé, d’une émission pour enfants, etc.)

♦ Inventez une histoire en suivant la succession des éléments de l’intrigue. Commencez par quelque chose de très simple, pour le raconter à de jeunes enfants par exemple.

L’équipe TE