Henriette Feller, passion et audace au service de Dieu (extraits, partie 2)

Texte : Chantal Bilodeau-Legendre
Mise en scène : Lorraine Hamilton
Photographies : Christine Joyal Chaussé

Suite de Henriette Feller, passion et audace au service de Dieu (extraits, partie 1)

ACTE 3 : LES DÉBUTS À LA GRANDE-LIGNE

Extrait de la scène 1 – La maison des Lévesque

(Calcule les dimensions de la pièce en faisant de petits pas) 1… 2… 3… 4… 5… 6… 7… 8… 9… 10… 11… 12… Douze pieds de large! 1… 2… 3… 4… 5… 6… 7… 8… 9… 10… 11… 12… Douze pieds de long!

Il ne faut jamais mépriser les petits commencements! […] M. Lévesque a d’abord ouvert sa maison pour en faire un lieu de réunion, quand M. Roussy vient y prêcher l’Évangile. Et voilà qu’il met à ma disposition deux grandes pièces à l’étage. […] Ma chambre est à côté. Cette pièce-ci, eh bien, c’est ma cuisine personnelle. Et mon salon. Et ma salle de classe. Alors voilà. Grande-Ligne sera le siège de notre mission!

Extrait de la scène 2 – Souvenirs des persécutions en Suisse

(Grimpée sur une chaise) L’Église nationale, fière descendante des grands réformateurs! On trouvait des bibles dans tous les foyers. Tout le monde avait accès à la Parole de Dieu. Mais… l’Église nationale ne la prêchait plus. […] (Recroquevillée à l’autre bout de la scène) Et ici, l’Église indépendante, cachée, détestée. Un petit noyau de vrais croyants […] qui aimaient le Seigneur plus que les hommes. L’Église indépendante a subi toutes sortes de persécutions.

[…]

Et ce que j’ai pu observer, c’est que les souffrances infligées aux véritables croyants, loin d’éteindre leur foi, l’attisaient comme un feu. Sous les coups […], l’Église cachée a grandi et s’est épanouie. […] Seigneur, de même que la persécution a fini par finir en Suisse, permets qu’un jour, bientôt, on laisse les évangéliques canadiens-français libres de vivre leur foi.

Extrait de la scène 3 – Avec M. Lévesque

Tous les matins et tous les après-midis, une vingtaine d’enfants se réunissent ici pour les leçons.

Ne vous en faites pas! Ils trouvent tous un coin pour s’installer. Ils ont tellement soif d’apprendre que s’assoir sur le plancher ne les incommode pas.

Vous savez, je ne saurais dire ce que je préfère : enseigner aux enfants pendant le jour ou aux adultes durant la soirée!

Extrait de la scène 4 – Berçant un bébé malade

À Lausanne, quand mon père administrait l’hôpital, j’allais souvent visiter les malades. Dès l’âge de 14 ans, j’ai appris à soigner […] Les connaissances médicales que j’ai acquises me servent à présent au Canada. Si les villageois ne veulent pas me recevoir pour entendre l’Évangile, ils savent qu’ils peuvent compter sur moi pour les aider quand un membre de leur famille est malade. Dans la souffrance, il n’y a plus ni catholique ni protestant. Et c’est avec l’amour de Jésus, avec mes prières, avec ma compassion que je peux entrer dans leurs maisons et toucher leur cœur.

La mort est cent fois pire que la souffrance. Quand l’âme n’est pas prête à retourner à son Créateur, la mort est le roi des épouvantements.

Extrait de la scène 5 – Déployant la couverture (qui faisait office de bébé)

La confiance se gagne, des amitiés se tissent… Dans les villages voisins, un nombre grandissant de catholiques deviennent amis de l’Évangile, plusieurs se convertissent et la mission de la Grande-Ligne rayonne! […] À l’été 1837, la petite église chrétienne que nous formons a la joie de procéder à 14 baptêmes! […]

Extrait de la scène 6 – Récit

Automne 1837. Dans le Bas-Canada, le mécontentement des Canadiens français contre le régime britannique augmente de plus en plus. La colère gronde, on prend les armes. […]

Les rebelles, des catholiques fervents, violents, aveuglés dans leur zèle, s’en prennent à leurs propres compatriotes parce qu’ils ont délaissé leur « sainte mère » l’Église catholique… « Ce sont les amis des Anglais, disent-ils. À bas les traitres! » Et sous les menaces, les injures, les coups, même les tentatives de meurtre, ils poussent nos frères et sœurs dans la foi à renier Jésus-Christ pour rejoindre leurs rangs et se mêler à leur colère. […] « Partez d’ici si vous n’abandonnez pas votre religion! » […]

Nous allons nous réfugier à Champlain, aux États-Unis, où des amis nous reçoivent. […] À notre retour, nous trouvons nos maisons saccagées, pillées. De nos récoltes, il ne reste plus rien – et l’hiver n’est pas fini… Nous sommes dans le dénuement le plus complet. Mais Dieu pourvoit. Il relève nos têtes et nous redonne notre dignité.

ACTE 4 : L’EXPANSION DE LA MISSION

Extrait de la scène 1 – S’adressant à un public anglophone avec l’aide d’un « interprète »

Good evening… I am Henriette Feller… I live in the Province of Québec… I teach the Bible… I love Jésus…

Many, many boys and girls… Many schools!… Dites-leur qu’un grand nombre de Canadiens veulent faire instruire leurs enfants. Nous avons établi plusieurs écoles…

Extrait de la scène 2 – Réflexions

Solliciter l’aide matérielle de nos bienfaiteurs, en Suisse comme à Montréal, New-York, Boston, Philadelphie… Comme cela me pèse! En 1844, nous avons 7 postes missionnaires, 150 élèves dans les écoles, 18 pensionnaires, 4 pasteurs mis à part, 7 maitres d’école, 2 colporteurs… Nos dépenses sont nombreuses : salaires, nourriture, livres, biens de nécessité – sans compter que nous exerçons l’hospitalité, recueillons des orphelins et donnons aux pauvres. […] Bien souvent, l’insécurité matérielle me plonge dans l’angoisse…

Extrait de la scène 3 – Récit

Nos églises comptent quelques centaines de croyants. Elles se composent surtout de fermiers, d’ouvriers, d’hommes et de femmes modestes qui travaillent fort pour s’instruire afin de lire eux-mêmes ce que la Bible enseigne. Mais Dieu a permis que quelques personnes se distinguent par leur notoriété… Et leur présence parmi nous a contribué à rendre plus crédible encore notre message.

Et je dois vous parler de ceci : notre premier livre de cantiques en français, paru en 1852! […] Nous choisissons des chants qui se chantent sur la même mélodie, mais qui existent dans les deux langues. Les Canadiens français chantent en français, et les anglais en anglais! Imaginez! On entend alors, sur la même musique, des chants dans les deux langues! Français et anglais, côte à côte, dans la même chapelle, qui unissent leurs voix…

Extrait de la scène 4 – Au crépuscule de la vie

Seigneur, tu vois que ma santé décline : j’ai une toux qui persiste… mes jambes ne me portent plus très bien, et mon cœur a faibli. Par ta grâce, je dirige de loin le pensionnat de Longueuil, les nombreuses écoles, les postes missionnaires. […]

1867… Je m’occupe des affaires du royaume de Dieu selon les forces que mon Maitre me laisse. Je le ferai jusqu’à la fin.

Extrait de la finale – ayant remis cape, chapeau et gants et repris son sac de voyage

1868. J’entrevois… tout le long des berges de la rivière Richelieu, rayonnant depuis la Grande-Ligne, les villages de Saint-Blaise, Saint-Pie, L’Acadie, Napierville… Dans les cantons, dans les rangs, au-delà des forêts, des champs qu’il reste à défricher, dans tous les petits villages déjà construits et ceux qu’on établira… j’entrevois des postes missionnaires. […]

Et j’imagine, tout le long de la grande vallée de notre beau fleuve Saint-Laurent, des phares qui brillent dans les ténèbres spirituelles du plus grand nombre… J’imagine des dizaines de […] communautés de Canadiens français qui se confient en Jésus-Christ… Je vois des hommes formés dans les Écritures qui répandent la bonne nouvelle de Jésus-Christ. Je vois des femmes qui lisent la Bible et qui l’enseignent à leurs enfants, des femmes qui se réunissent pour […] faire bouger des choses, déplacer des montagnes. Je vois des jeunes gens et des jeunes femmes qui découvrent la vraie liberté et qui échangent leurs petites ambitions pour une vie de défi et d’aventures au service de Dieu!

Je marche vers ma fin. Bientôt on me mettra en terre, ici, parmi mes compatriotes d’adoption, que j’aurai chéris de tout mon cœur et pour qui j’aurai renoncé à tant de choses… Mais renoncer, c’est gagner tout, parce que toi, Jésus, tu es mon refuge, mon espérance, ma vie, mon tout!


Ce monologue d’environ une heure se compose d’une succession de dialogues à une voix, de souvenirs, de réflexions, de récits. Voyez le texte complet ici. La petite histoire derrière cette pièce fait l’objet d’un article de blog.

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