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Jésus et la Samaritaine: Démarche pour la rédaction d’une pièce

Par Chantal Bilodeau-Legendre

Photo de Frank Albrecht sur Unsplash.com

 

Après plusieurs lectures de Jean 4, j’ai voulu adapter pour la scène la rencontre de Jésus avec la femme de Samarie. Mon intention? Traiter ces versets de façon originale, avec un minimum de comédiens. Voici donc, un peu pêle-mêle, les réflexions qui ont précédé la rédaction de la pièce Samar, ou la femme qui avait soif.

 

Comment communiquer les infos?

Certains renseignements sont nécessaires pour mieux apprécier l’histoire de Jean 4 et comprendre que la rencontre de Jésus avec la femme était un « rendez-vous divin ». Plusieurs questions ont surgi dans mon esprit, et je voulais en fournir les réponses dans la pièce :

  • Pourquoi Jésus passait-il par la Samarie? (v. 3-4)
  • Qu’est-ce que le puits avait de particulier? (v. 6)
  • Pourquoi Jésus s’est-il arrêté à ce puits? (v. 6)
  • Pourquoi Jésus était-il seul? (v.8)
  • Quelles étaient les relations entre Juifs et Samaritains? (v. 9)
  • Pourquoi la Samaritaine puisait-elle en plein midi? (Le texte ne le dit pas, mais les v. 17-18 nous donnent un indice.)

J’aurais pu avoir recours à un narrateur s’adressant directement au public pour communiquer ces informations. Cette méthode s’avère souvent utile, mais je voulais une histoire plus personnelle, plus intimiste, sans élément externe qui nous sorte du récit. En fait, je voulais que la Samaritaine raconte son histoire, fournissant elle-même les détails plus « techniques ».

La Samaritaine aurait pu faire un simple monologue, mais je voulais un peu d’action – de l’interaction. Cependant, un duo avec Jésus ne me semblait pas se prêter à la communication naturelle des renseignements que j’estimais importants.

Un prétexte

Je me suis alors demandé : « Pour quelle raison la Samaritaine raconterait-elle son histoire? » Or, l’évangéliste relate la rencontre de la femme avec Jésus, tout simplement. Pour répondre à ma propre question, je devais faire appel à mon imagination, tout en respectant le cadre des Écritures.

Alors des images ont pris forme dans mon esprit. De fil en aiguille, le Seigneur m’a inspiré un contexte… un prétexte à l’histoire.

La Samaritaine écrit à une amie, perdue de vue depuis longtemps, lui annonçant que sa vie est transformée. Dans son message, elle lui donne rendez-vous dans un petit café, car elle veut lui raconter ce qui lui est arrivé.

Ainsi, au début de la pièce, la Samaritaine attend son amie, assise à une table de café. (C’.est un anachronisme qui passe très bien en théâtre!) L’amie arrive, puis l’histoire commence. La première scène donne aux spectateurs un aperçu de la vie autrefois déréglée de la Samaritaine. Ensuite, l’action se déroule en alternance entre le café (côté cour) et le puits (côté jardin).

Deux Samar

J’ai appelé la Samaritaine Samar… Pas très original, direz-vous. J’ai tronqué un nom pour en faire un prénom. Il me fait d’ailleurs penser à Tamar (prénom d’une belle-fille de Juda et aussi d’une fille du roi David). Et puis, de toute façon, la femme n’est pas nommée dans la pièce… Cette indication ne sert donc qu’aux comédiennes qui jouent ces deux rôles.

En effet, il y a deux Samar sur la scène : celle du café et celle du puits. À moins que des jumelles identiques n’interprètent ce rôle, on aura affaire à deux comédiennes différentes. Je ne veux pas sous-estimer le public et croire qu’il sera tout embrouillé! L’alternance entre les lieux scéniques, les dialogues, permettront aux spectateurs de comprendre que l’action se déroulant au puits est un retour en arrière : le public « voit » les souvenirs de Samar.

Les disciples, les habitants de la ville

Je ne voulais pas un grand nombre de personnages, afin que le caractère intime du récit demeure. Aussi, les amis de Jésus et les habitants de la ville (pourtant actifs dans l’histoire originale) sont simplement mentionnés ou cités par Samar, dans le café.

Les paroles de Jésus

Si presque toutes les paroles des deux amies sont inventées, le dialogue au bord du puits se fonde uniquement sur le texte de l’Évangile.

La lecture de quelques versions différentes de la Bible m’a permis de reformuler leurs échanges de manière à les rendre plus clairs, plus naturels. J’évite les termes ou les expressions que les gens peu familiers du texte original risquent de ne pas comprendre. Les versions Semeur et Parole de vie m’ont été très utiles.

Je n’ai pas l’habitude de faire dire à Jésus autre chose que les paroles rapportées dans la Bible, bien que celle-ci ne consigne qu’une toute petite portion de ses propos. C’est donc dans la prière et la méditation que j’aborde la rédaction des paroles de Jésus : j’ai besoin de les comprendre et de m’assurer que le choix de mes mots correspond effectivement au texte biblique. Parce que je suis loin d’être infaillible, j’avance toujours avec précaution sur ce terrain!

La soif

Dans tout ce récit, il me fallait un fil directeur. Celui de la soif et de l’eau pleine de vie qui étanche la soif de l’âme s’imposait. La conclusion du sketch est une reformulation de Jean 4.14, qui a pourtant été cité, un peu avant, en d’autres mots.

Et la prière?

La prière est une activité inhérente au processus de rédaction. On n’aborde pas un texte biblique comme une fable de La Fontaine ou un conte de Grimm. On prend le message même de Dieu, qui est parole de vie, on lui donne une forme vivante (texte de théâtre) afin de toucher le cœur des spectateurs. Pas pour les divertir tout bonnement, mais pour les amener à méditer à leur tour, à accueillir le message de vie et à rencontrer Dieu.

Les critiques artistiques ne commentent pas nos pièces, mais nous écrivons, nous jouons, sous le regard aimant du Maitre créateur! Nous ne connaitrons jamais ici-bas la portée de notre travail mais, sans tenter d’atteindre la perfection, visons toujours l’excellence.

Voir aussi:
Jésus et la femme adultère: Démarche pour une mise en scène
Samar, ou la femme qui avait soif (pièce)
Adapter un texte biblique pour la scène (réflexion)

Jésus et la femme adultère: Démarche pour une mise en scène (Jean 8.2-12)

par Chantal Bilodeau-Legendre

Deux préalables

Pour mettre en scène un texte biblique, prenez le temps de le lire à maintes reprises. Méditez-le amplement. Ne faites pas cet exercice simplement dans un but « théâtral » : faites-le pour vous personnellement. Plus le texte vous parlera à vous, plus vous serez en mesure de le rendre vivant pour vos auditeurs. Autrement dit, laissez la Parole de Dieu agir dans votre cœur avant tout.

Présentez votre intention d’écriture à Dieu. Parlez-lui de votre projet! Dieu est non seulement le Créateur, mais encore la source de toute créativité. Soyez attentif aux images et aux mots que son Esprit vous soufflera.

Je me limite ici à ces deux préalables. D’autres activités s’imposent, comme la lecture du contexte, mais je crois que la méditation et la prière sont souvent négligées. Il arrive qu’on ait hâte de se mettre à écrire, mais on oublie qu’avant d’écrire, il faut avoir nourri son âme et communiqué avec le principal Intéressé.

Une démarche

Je vous partage bien humblement la démarche qui a entouré l’adaptation de Jean 8.2-12. Je ne procède pas toujours de la même manière et je ne crois pas qu’il existe une façon unique de faire. Ma prière est simplement que mes suggestions vous inspirent et vous donnent le gout d’écrire des pièces qui donnent vie au texte biblique.

Le texte

J’ai recopié ci-après le texte de la pièce. J’y ai inséré, en retrait, les versets bibliques de Jean 8 ainsi que des réflexions personnelles en rapport avec le choix des jeux de scène et des répliques.

(Vous pouvez télécharger ici le texte seul de Jésus libère de la condamnation en fichier PDF, sans les versets et les commentaires.)

Scène 1 : Jésus enseigne ses disciples

Verset 2 – « Il revint de bonne heure dans la cour du Temple et tout le peuple se pressa autour de lui; alors il s’assit et se mit à enseigner. » (Jésus a parlé de l’eau vive la veille, selon Jean 7.37-38. Le texte ne dit pas sur quoi Jésus enseignait dans Jean 8. Un fond musical couvrira donc ses paroles. )

Côté cour : Jésus entre en scène. Plusieurs personnes le suivent, l’entourent. Ils occupent environ la moitié de l’espace scénique. On entend le bruit confus de leurs voix : « Maitre, parle-nous du royaume de Dieu! Ces fleuves d’eau vive, qu’est-ce que c’est? Explique-nous! » (Inspirez-vous du contexte pour improviser des questions.) Jésus s’assoit sur un banc, le groupe prend place autour de lui, mais un peu en retrait. Sur un fond musical, on voit Jésus qui enseigne ces gens.

Scène 2 : Des hommes amènent une femme à Jésus

Verset 3 – « Tout à coup, les interprètes de la Loi et les pharisiens trainèrent devant lui une femme qui avait été surprise en train de tromper son mari. Ils la firent avancer dans la foule et la placèrent bien en vue devant Jésus. » (« Ils la firent avancer DANS la foule. » Pour des raisons de visibilité et d’équilibre du plateau, j’ai choisi de mettre la foule d’auditeurs d’un côté et les hommes de l’autre. La femme est par terre, devant ses accusateurs qui se tiennent tous debout – son humiliation est encore plus grande. La musique se tait. Le temps est suspendu.)

Côté jardin : Des hommes entrent, trainant sans ménagement une femme terrorisée. Ils se tiennent dans la seconde moitié de la scène. Le fond musical décroit. Silence.

Un homme pousse la femme au milieu. Elle tombe et reste accroupie sur le sol, tête baissée. Jésus et la femme se trouvent donc au centre de la scène; les auditeurs sont assis côté cour; les accusateurs debout côté jardin.

Scène 3 : Les accusateurs pressent Jésus de questions

Versets 4 et 5 – « ‘Maitre, lui dirent-ils, cette femme a commis un adultère; elle a été prise sur le fait. Or, dans la Loi, Moïse nous a ordonné de lapider les femmes de ce genre. Toi, quel est ton jugement sur ce cas?’» (Plusieurs hommes s’adressent à Jésus. Peut-être que, dans les faits, ils parlaient tous en même temps! J’ai choisi de répartir cette tirade entre trois personnes.)

Verset 6a – « En lui posant cette question, ils voulaient lui tendre un piège, dans l’espoir de trouver quelque prétexte pour l’accuser. » (Cette indication révèle que la femme n’est en fait qu’un instrument entre leurs mains. Ils n’ont aucune pitié pour elle. Bien entendu, on se demande : Pourquoi n’ont-ils pas aussi emmené l’homme avec qui elle se trouvait, comme le suggère Lévitique 20.10? Les intentions de ces hommes n’ont rien à voir avec la justice.)

Homme 1 :  Maitre, cette femme a été surprise en train de coucher avec un homme!
Homme 2 :  Et cet homme, ce n’est pas son mari! (Rires méchants, murmures.)
Homme 1 :   Moïse, dans la loi, nous a ordonné de tuer de telles femmes à coups de pierre!
Homme 3 :  Et toi, que dis-tu?

Verset 6b – « Mais Jésus se baissa et se mit à écrire du doigt sur le sol. » (Je glisse ici un long silence, car c’est dans le silence que les accusateurs – et les spectateurs – ont de l’espace pour réfléchir. Certains parmi la foule pourraient même tenter de voir ce que Jésus est en train d’écrire.)

Silence. Jésus regarde la femme, puis les accusateurs de cette dernière. Pour toute réponse, il se baisse et dessine sur le sol, avec le doigt. Auditeurs et accusateurs sont perplexes.

Verset 7a – « Eux, ils insistaient, répétant leur question. » (Ici encore, plusieurs personnes prennent la parole. Je découpe la question et la reformule autrement.)

Homme 1 :   Cette femme est adultère, Maitre!

Homme 2 :  La loi de Moïse est claire : il faut la lapider!

Homme 3 :  Qu’en penses-tu?

Homme 1 :   Pourquoi tu ne réponds pas?

Homme 3 :  On la tue, oui ou non?

Verset 7b – « Alors il se releva et leur dit : ‘Que celui d’entre vous qui n’a jamais péché lui jette la première pierre!’ » (Après le nouvel interrogatoire, un autre silence s’impose. Quand Jésus ouvre la bouche, sa réponse est comme une flèche lancée en plein cœur – une flèche lancée tout en douceur…)

Silence. Puis, Jésus se lève, ôte la poussière de ses mains et regarde les accusateurs.

Jésus :  Parmi vous, lequel est sans péché? Celui-là peut lui jeter la première pierre.

Versets 8 et 9 – « Puis il se baissa de nouveau et se remit à écrire sur le sol. Après avoir entendu ces paroles, ils s’esquivèrent l’un après l’autre, à commencer par les plus âgés, laissant finalement Jésus seul avec la femme, qui était restée au milieu de la cour du Temple. » (Un nouveau précieux silence… où l’on doit sentir, palper, même, le malaise des accusateurs.)

Silence. Jésus se baisse de nouveau et se remet à écrire sur le sol. Il est tout près de la femme. Confus, les hommes se regardent les uns les autres. Un à un, lentement, du plus vieux au plus jeune, ils sortent par où ils sont entrés.

Scène 4 : Jésus libère la femme

Verset 10 – « Alors Jésus leva la tête et lui dit : ‘Eh bien, où sont donc passés tes accusateurs? Personne ne t’a condamnée?’  ‘Personne, Seigneur’, lui répondit-elle. Alors Jésus reprit : ‘Je ne te condamne pas non plus. Va, mais désormais, ne pèche plus.’ » (L’action se déroule lentement… Ce geste d’aider la femme à se relever dénote la délicatesse de Jésus et son désir de lui redonner sa dignité. Il ne cherche pas à l’humilier davantage. Quand il ordonne à la femme de ne plus pécher, cette dernière sent son cœur se transformer : Jésus lui a littéralement sauvé la vie, mais on peut croire à raison qu’il lui a aussi sauvé la vie spirituellement. Bien qu’elle ne dise que deux petits mots, la femme, par les jeux de scène suggérés, exprime à la fois sa reconnaissance et son sentiment de libération.)

Jésus se redresse. Il aide la femme à se relever. Elle garde la tête baissée.

Jésus :    Dis-moi, où sont passés les hommes qui t’accusaient?

Hésitante et apeurée, la femme regarde autour d’elle.

Jésus :    Personne ne t’a donc condamnée?

Femme :   Personne, Seigneur.

Jésus :   Moi non plus, je ne te condamne pas. [Pause.] Tu peux partir, maintenant. Et désormais, quitte ta vie de péché.

Reconnaissante, la femme prend les mains de Jésus et les embrasse. Elle sort. Jésus retourne à ses auditeurs, qui ont observé toute la scène en silence. Il s’assoit.

Verset 12 – « Jésus parla de nouveau en public : ‘Je suis la lumière du monde, dit-il. Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres : il aura la lumière de la vie.’ » (Au lieu de clore le récit avec le départ de la femme, v. 11, j’ai choisi d’inclure le verset suivant, comme pour « boucler la boucle » et montrer que cet « incident » n’a pas perturbé Jésus. Ce dernier reprend peut-être la leçon là où elle avait été interrompue… qui sait? Je trouve d’ailleurs que cet enseignement sur la nécessité d’avoir la lumière de la vie plutôt que de marcher dans les ténèbres fait ressortir la condition spirituelle des accusateurs et celle, nouvelle, de la femme qu’il vient de libérer de la condamnation.

Jésus :   Je suis la vraie lumière qui éclaire le monde. Celui qui me suit ne marchera pas dans l’obscurité, mais il aura au contraire la lumière de la vie.

Le fond musical reprend tandis que Jésus se remet à enseigner.


Toutes les citations bibliques sont extraites de La Bible du Semeur. Copyright © 1992, Société Biblique Internationale. Avec permission.

 

Adapter un texte biblique pour la scène

Photo de Ben White sur Unsplash.com

Par Chantal Bilodeau-Legendre

Depuis quelques semaines, je lis l’Évangile de Jean. J’observe le texte et je ressors toutes les occurrences de certains mots ainsi que leur contexte. Sans dictionnaire biblique ni commentaire : juste le texte et moi. Non pas que dictionnaires et commentaires soient inutiles, ou que j’aie acquis suffisamment de connaissances pour toujours m’en passer, mais je trouve rafraichissante cette approche des Écritures. Je ne m’appuie pas sur les réflexions d’autres penseurs : je peux penser moi aussi, car l’Esprit vit en moi! Je peux laisser la Parole me parler, car Jésus lui-même est Parole et, à ce titre, il… parle.

Une telle approche du texte biblique non seulement rafraichit mon âme, mais en plus stimule ma créativité. En effet, c’est après avoir lu et relu Jean 8 et 9 que j’ai écrit la pièce Il n’y a pas pire aveugle il y a quelques années. C’est avec la même approche que j’ai adapté pour la scène de Jean 8.2-12, où des hommes tentent de piéger Jésus en l’incitant à condamner une femme pour son péché.

Je vous invite à lire Démarche pour une mise en scène (Jean 8.2-12), où je présente mon processus. Voyez aussi le texte de cette courte pièce, Jésus libère de la condamnation.

Je souhaite que ces réflexions vous inspirent pour l’écriture de vos propres pièces!